Comment s'est passé votre dernier scan ? Aviez-vous peur de vous faire tester positif ? Si oui, est-ce qu'il y avait une raison ? › Vingt-trois ans. J'avais clairement l'impression de vieillir à vue d'oeil, même si on me disait toujours le contraire. Soit disant que je suis un putain de vampire. Bref. C'était un beau matin d'avril, le 6 exactement. Je m'étais levé comme si c'était un jour comme n'importe lequel, et j'ai immédiatement décidé d'aller passer ce foutu scanner dès le matin, histoire d'être tranquille. Je me sentais mal, et attendre n'était pas envisageable dans cette situation. Sans prendre de petit déjeuner, je me dirigea de vitesse vers l'établissement, en voiture hein, à une vitesse folle. Premier arrivé, premier servi. On me dit alors de suivre un homme. « Vu vos cheveux, vous devez avoir un problème quelconque. » Cet homme me dévisageait et j'avais clairement envie de le tuer. Je n'avais rien à me reprocher, mais l'impression d'être traité comme un objet m'était réellement insoutenable. Je me sentais abusé, et la remarque de l'homme, qui m'avait conduit à une salle, m'avait clairement donné la forte envie de lui en foutre une dans la figure. Je me contenais, pour éviter de changer mon avenir, tiens donc. Bizarrement, j'appréhendais chaque scan, pour des raisons que j'ignorais. Le stress d'un simple problème technique me rendait malade. Sans doute suis-je parano ? Au diable. Comme d'habitude, il n'avait rien à signaler. J'allais être une personne normale, criminellement parlant. Sans rien à prévoir de dangereux. Je trouvais, et encore maintenant, cette méthode vraiment... barbare. En regardant l'homme de travers, je n'avais pas pu m'empêcher de me venger. « Vu votre gueule, je pense qu'on aurait dû vous interner depuis longtemps. » Il n'eut même pas le temps de dire un mot, que j'étais déjà loin. C'est comme ça.

Que pensez-vous du gouvernement actuel ? et concernant le projet RFAD, êtes-vous pour ou contre ? › Une simple barbarie. Une connerie immense. Cela résume en partie mes pensées. Le gouvernement est complètement malade. C'est répugnant. Je ne comprends pas, et cela me rend fou. L'espèce humaine est horrible, et tellement manipulatrice entre elle. C'est moche, moche et inutile. Se fier à une machine, c'est l'une des choses les plus stupides que j'ai jamais vu. Et inhumaine. Comment peut-on se fier à une putain de machine, conçue par de purs idiots, qui lit soi-disant notre avenir ? Je suis sûr et certain qu'il y a quelque chose de malsain derrière cela. C'est juste mauvais, et incompréhensible. Au lieu de créer un truc aussi débile, il faudrait peut-être améliorer les forces de l'ordre, je sais pas ? Il y a d'autres solutions pour éviter la criminalité, ou du moins, tenter de faire baisser le taux. Des choses autres que celles ci sont possibles, mais non, il faut nous traiter comme si nous étions des bêtes de foires à exploiter le jour de notre anniversaire, et à donner les clefs de notre avenir à une putain de machine. C'est juste insoutenable de savoir des gens innocents, enfermés contre leur gré. Je suis contre, totalement, contre.

La peur. La rébellion. L'insouciance. La connerie, surtout. L'enfance. Je ne me rappelle pas très bien. Enfin si, au niveau de certains détails. Insignifiants détails que j'aimais oublier, parfois. Je sais juste qu'elle était normale, ma petite vie. Presque, du moins. Né dans une grande famille américaine, les Overstreet, j'aurais dû sans doute apprécier cette vie de luxe. Riches jusqu'au bout, et pourris jusqu'à la moelle. J'étais sans doute le seul à voir cette pourriture, à l'époque, et à détester, critiquer, ma propre famille. Jamais au grand jamais je ne m'en voudrais de les avoir quittés le plus vite possible. Mon enfance, donc, a été mouvementée. J'étais sans cesse sous la responsabilité de mes aïeux et ceux-ci étaient désagréables aux possible. Toujours là à me dire comment je dois me comporter en société et honorer ma famille, et surtout, mes parents. Je n'ai jamais vraiment connu ces derniers, trop absents, d'après ce que l'on me rabâchait toute l'année. J'en souffrais, mais je fermais ma gueule. As always. «  La vulgarité est inacceptable dans cette famille, Eliott-Häzel. » La vulgarité, je l'encule. J'avais commencé à être vulgaire dès le plus jeune âge, sans raisons. C'était juste un jeu, de base. Dès que je me suis senti menacé par cette famille, ça s'est juste emplifié. Dès mes premiers mois, je n'avais pas eu un grand contact avec ma mère. C'était toujours d'autres personnes qui s'occupaient de moi, de la famille, ou pire, des domestiques. Et ça a toujours été comme ça. Je n'ai jamais ressenti l'amour d'une mère, ou même d'un père. Dans tous les cas, ça n'a jamais changé. Mes parents s'appelaient Hansön-Judew et Giulia-Naomi. Comme quoi, mes deux prénoms bizarres étaient de famille. Je me passe d'autres exemples, mais voyez déjà que les prénoms composés ont toujours étés présents. C'est moche, débile, mais c'est visiblement une tradition. Nous avions de nombreuses traditions, d'ailleurs. Se montrer toujours à son meilleur jour. Ne pas montrer la moindre émotion, toujours tout garder pour soi. C'est ainsi que j'ai commencé à me forger une carapace, derrière les événements qui avaient marqué ma vie. Peu de choses pouvaient m'atteindre. Enfin, le peu de choses qui m'atteignaient, je ne le montrai pas. Pas mal de choses ont changé aujourd'hui. Suis-je toujours le même ? Dans certains cas, sûrement. Cette carapace se défait lentement, laissant les plaies s'ouvrir, de nouveau. Se sentir de nouveau atteint par ses propres pensées. La douleur d'un départ, d'un manque d'affection et de la peur. Tout cela revenait. Trop souvent sans doute. Si j'en parlais ? Rarement. Je suis beaucoup trop réservé pour cela. Sauf quand je m'énerve. Ou quand je bois trop.

Ma famille n'avait donc jamais été présente, même un minimum. Je me souviens que, gamin, j'étais tombé à vélo. Je pleurais, et saignait du genou. On m'engueulait. On me disait de me taire, que ce n'était pas des façons de faire. Le pire souvenir que j'ai eu, sans doute. La seule personne qui savait me réconforter, c'était Maddy-Jacklee (c'est magnifique aussi comme prénom) Elle avait un comportement exemplaire, et était toujours présente pour moi. Nous devions soi-disant avoir une éducation parfaite, représenter l'honneur de note famille. Moi ? A l'époque, je ne pensais qu'à m'amuser, et à abuser des règles. Ce qui maintenant, ne me fait rien du tout en fait. Aujourd'hui, je n'en fais pas plus, tel un vrai gamin. Du moins, quand je le peux. J'avais tout de même une intelligence reconnue (surdoué), mais je m'ennuyais, que ça soit à l'école ou autre. Je n'étais qu'un sale gamin aux yeux de tous, et je l'étais, je l'avoue. Ma passion, c'était l'école buissonnière, flâner dans les rues de New York bondées de monde... C'était mon quoditien pendant pas mal de temps, genre trois ans. Puis un jour, tout démarra. J'avais treize ans. Treize ans quand toute cette merde de scanner a commencé. Treize ans quand j'ai vu Maddy, âgée de 15 ans, partir, après un scanner "positif". Elle allait soit-disant me tuer deux ans plus tard, à la veille de l'anniversaire de mes quinze ans. J'étais effondré, clairement. Je l'ai vu partir, et ne jamais revenir. Jusqu'à ce que je quitte le cocon familial, j'ai très mal vécu son absence. Encore maintenant. Mais je l'ai vécu en silence. Elle avait été l'unique personne que je trouvais censée dans cette famille. « Maintenant que votre soeur est la honte de notre famille, vous devez impérativement améliorer votre comportement, jeune homme. » Je n'y croyais pas, et déjà à l'époque, je ne comprenais pas qu'une telle chose puisse exister. Jamais ma soeur ne m'aurait tué, c'est une pensée qui jamais ne m'aurait effleuré, et qui ne lui aurait jamais traversé l'esprit. Mes parents, eux, s'en fichaient, et étaient trop préoccupés par leur travail pour réagir. Pourritures. Encore une chose dont j'avais du mal à ne pas leur en vouloir. J'ai hurlé sur eux, quand je les voyais. A en crever. J'avais si mal qu'ils ne s'occupaient pas de nous, et qu'ils aient laissés Maddy partir, sans rien faire. C'est comme si l'on était nés juste pour leur faire avoir une descendance. Je n'ai plus jamais été le même. Quoi que, niveau rébellion, j'étais quatre fois pire qu'à l'accoutumé. De quoi rendre les gens complètement maboules. A mon tour, à quinze ans, je passa pour la première fois sous le scanner. Négatif. J'étais libre. Je me souviens que j'avais osé m'imaginer là-bas, voyant ma grande soeur. Il paraît qu'il ne vaut mieux pas se faire interner, pour notre propre survie.

Maddy-Jacklee était devenue la honte de la famille, et quand ils l'ont appris ils ne se sont même pas bougé le derrière. Leur passion, c'était de nous laisser aux aïeux, et de partir dans un autre pays, faire quelque chose que je n'ai jamais su. Je leur en voulais, et malgré qu'ils ne soient plus en vie aujourd'hui, suite à un accident d'avion il y a deux ans, je ne les ais jamais portés dans mon coeur. D'ailleurs, mes aïeux sont décédés peu de temps après l'incarcération de Maddy, et c'est au tour des tantes, et des oncles de me J'ai sérieusement commencé à me rebeller contre tout ça à partir de 16 ans. Me teindre les cheveux avait été l'une des premières choses que j'ai fais. Rouge, jaune pipi, bleus, noirs, blond platine, et j'en passe avaient été l'horreur de ma famille, et croyez-moi, j'en étais fier. C'est encore devenu une habitude aujourd'hui, et ma marque de fabrique. A cet âge, j'allais toujours en cours, dans une école privée, malgré moi, et la seule matière qui me plaisait, c'était les langues. Notre langue, précisément, l'anglais. Je quitta la villa familiale à l'âge de 18 ans, piquant la moitié de la fortune familiale, et en m'installant dans un appartement à New York. Plus tard, je devins donc professeur d'anglais, au lieu de devenir un bourré de fric, comme je le détestais. « Mr Overstreet ? Comme la famille là ? » J'adore la relation que j'ai avec avec mes élèves. Ils ont tous entre 10 et 18 ans. Je me trouve bon professeur, même si je suis vraiment jeune pour le coup. Mais visiblement, dès que quelqu'un se présente comme un "Overstreet", on ne leur refuse rien. C'était con, mais pour une fois, ça m'avait servi. Si je suis toujours contre cette mascarade ? Toujours. Et je me battrai contre, jusqu'à ce que ma soeur puisse enfin sortir de tout ça, et vivre de nouveau normalement, comme elle aurait dû vivre. Elle, qui se voyait déjà avocate. Elle, qui avait tous les moyens pour avoir une vie extraordinaire. Je m'en voulais de n'avoir rien pu faire, à mes 12 ans. Mais qui peut réellement faire quelque chose contre ? J'espère le pouvoir, et je crois que nous sommes plusieurs à pouvoir le faire. Oh, et je suis marié, à une magnifique jeune femme. Everleigh. Cachée à ma famille, évidemment. Nous vivons désormais ensembles, dans une maison, toujours à New York. Nous espérons agrandir notre famille très bientôt.