Comment s'est passé votre dernier scan ? Aviez-vous peur de vous faire tester positif ? Si oui, est-ce qu'il y avait une raison ? › L'oeil torve accroché à cette foutue machine, fixant son oeil rouge mécanique, son obséquieux clignotement, j'attends. Ce même bip sonore qui retentit à mes oreilles. Une simple formalité qui a le don de faire se chier dessus certains, ceux qui ont quelque chose à se reprocher évidemment. Et puis il y a ceux qui s'en foutent. Peut-être que je devrais pas. Après tout j'ai une femme, et un mioche, je devrais me soucier de les revoir tous les deux, de pouvoir pourvoir à leur besoin, sauf qu'au fond de moi, ma seule réaction à cet instant alors que la machine continue d'émettre ce satané son qui en a rendu fou plus d'un sous la tutelle d'une de ces agents en jupette et à l'immense sourire colgate censé faire passer la pilule, c'est que ça m'amuserait bien au fond, que la lumière ne passe pas au vert ensuite mais reste rouge, et que ce bip continue, cette alarme mortuaire résonne, j'aimerais bien voir ça.
Minute, un gardien devenu aliéné ne serait-ce pas la blague de l'année? Y'en a pas mal qui se bidonnerait à coup sûr. Probablement les mêmes que j'ai pu foutre là-dedans ou ceux dont j'ai un peu trop tapé les doigts, un peu trop fort, alors l'os a cédé, et le type a hurlé jusqu'à plus en pouvoir. Oh je sais bien qu'il y en a un paquet qui n'attendent que ça, que la machine comprenne enfin que j'ai plus ma place derrière les barreaux plutôt que devant. Mais voyez-vous, elle comprend rien celle-là, elle n'a jamais compris. Comme si une simple machine pouvait voir à l'intérieur de vous, comme si elle pouvait sentir les ténèbres s'agiter, réclamer leur pitance. Paraît-il que les gardiens ne se font jamais scanner positif, paraîtrait que les scans ici sont truqués, que ça la fouterait mal si on découvrait qu'un gardien était tout aussi violent et dangereux que ceux qu'il est sensé garder. Peut-être bin que c'est pour ça qu'elle continue de clignoter puis s'arrête et passe au vert alors qu'un petit diing retenti.
L'employée me sourit et me gratifie d'un bon courage. Elle pourrait tout aussi bien me décerner une médaille et me la foutre dans le c*** qu'est-ce que j'en aurais à foutre? Je l'ignore. Ca fait un bout de temps que je ne m'embarrasse plus des formules de politesses. C'est l'avantage ici, les gardiens n'ont ni le temps ni l'envie de faire des ronds de jambes. Quand j'étais flics j'avais certaines obligations à ce sujet mais c'est loin d'être encore le cas désormais. Je suis juste un type qu'on paie pour abrutir d'autres types, leur enlever toute envie, tout espoir d'un jour pouvoir sortir d'ici. Parait que je suis talentueux pour foutre les gens le nez dans leur propre merde. C'est p'être pour ça que le scan continue de me déclarer négatif.
Que pensez-vous du gouvernement actuel ? et concernant le projet RFAD, êtes-vous pour ou contre ? › Longtemps quand j'arrêtais ces pauvres types qui tentaient stupidement de fuir un système implacable j'haussais les épaules, parfois j'avais une petite nausée qui remontait le long de mon appareil digestif. Y'avait un vague soupçon de regret, de pitié et de pathos qui me submergeait. Et puis, avec le temps, tout cela a vite passé. Le boulot c'est le boulot. Et puis ce fameux système sur lequel tout le monde crache est pas plus mal qu'un autre nom? Il me nourrit, me loge, et occupe mes journées, quoi de mieux? Honnêtement j'ai pas la prétention de juger les mecs d'en haut. Ils ont sûrement de bonnes raisons de faire ce qu'ils font. Au fond, je m'en fou. Ca ou autre chose...

childhood chapter › Il y a des moments qu'on préfère oublier, reléguer au plus profond de sa mémoire, en effacer la moindre trace. Comme cette rougeur sur sa joue, ce bleu qui se forme déjà sur son épaule, et la vague douleur qui n'est rien en comparaison du suffoquant sentiment de honte. Qu'il ait pu lui faire cela, à lui, son propre fils, son unique enfant masculin, cela le rendait dingue. La colère qui le submergeait l'avait poussé dehors, à courir à perte haleine, à se réfugier dans ce sous-bois encore humide de la pluie de ce matin, à se frotter contre les plantes, à laisser leur humidité le contaminer, le rafraîchir. Il étouffait d'une rage certaine. L'envie de frapper quelque chose, de réduire en bouillie l'objet sur lequel allait retomber sa fureur le saisit. Il sortit un petit canif qu'il avait toujours sur lui, cadeau fort honorable fait par son grand père, avec l'histoire à rallonge qui allait avec, servant sans nul doute de morale, dont il n'avait que faire à son âge, et le planta d'un geste vif, précis et efficace dans la chair tendre de l'arbre se dressant devant lui qui répondit d'une plainte gémissante à son agression. L'enfant eut un petit sourire mauvais alors que la lame s'enfonçait encore, se retirait, puis s'enfonçait à nouveau. Laminant l'écorce, creusant un sillon dans la chair de l'arbre, son tronc, il se réjouissait des dégâts qu'il causait quand il entendit une voix résonner derrière lui.
Un simplement raclement de gorge signifiant une présence, là, tapis dans l'obscurité, dans son dos, et sa rage a tellement noyée ses pensées qu'il n'a même pas entendu le moindre frottement de tissus, de feuillage. Il se sent vaguement stupide. Un court instant, la rage reflue. Il se tourne, sans sourire, mais la colère n'est plus brillante dans ses iris. « Qu'est-ce qu'il y a ? » aboie-t-il presque au visage impassible de son ami. Son seul et unique ami au fond, un fils de psychopathe, un gamin ballotté de famille d'accueil en famille d'accueil. Risible n'est-ce pas ? Le fils du vieux flic usé s'acoquinant avec le fils du tueur qui a effrayé toute la ville avant de disparaître troué de part en part. Ca a fait les gros titres. Même son daron en a parlé toute la journée, ce jour-là, où le psychopathe s'est fait descendre. L'vieux aurait bien aimé l'avoir. Sauf qu'il a jamais été lieutenant de la crim', non il est le flic des rues, celui qui boit plus qu'il ne devrait, qui passe son temps à ramasser des putes dans la rue, à coffrer des dealers, le tout en sachant que le lendemain ils auront reprit leur place sur les trottoirs luisants. Quand il a vu Sand la première fois, il a immédiatement eut envie d'être son ami. Ce gamin que tout le monde traitait de taré avait l'air cent fois moins dingue que ces détracteurs. P'être bin aussi que Zachariah se sentait proche de lui. Après tout, il savait ce que c'était de souffrir de la réputation de son vieux.
Quelques mots s’échangent. Il a encore remis ça, ton vieux ? Un hochement de tête lourd de sens qui suit. Les mots ne suffisent pas. Ils sont faux, trompeurs. Zach les haït. Il haït tout le monde. Il a envie d’enfoncer son canif dans le corps de son vieux juste pour voir s’il oserait encore lever sa foutue main, le traiter encore une fois de vermine, de bon à rien. Sand n’ajoute rien de plus. Le dossier est clos. Ils en connaissent tous les deux l’issus. Il faut attendre, sagement, que le vieux y passe. Il fait un métier difficile, se frotte à la pire engeance, aux criminels les plus dangereux, y’en aura bien un qui lui fera la peau. Et le gosse en attendant joue avec son seul ami. Il n’a pas peur de ce qu’on pourrait dire d’eux, il sait bien qu’il n’est pas un crack, il n’a même pas l’air d’en être un.

become a father › Sois un père, bordel. Sand insiste. Il pose son ultimatum. Assumer une connerie d'un soir, dont il ne se sent nullement responsable. De sa faut' si la soeurette lui a fait du gringue? Zach n'a jamais pu résister au fond. Sa bite est un engin qui a besoin de s'activer régulièrement, très régulièrement. Il se tape de l'adolescente, un poil plus jeune, de la vieille aussi, la mère d'un de ses camarades du lycée, la grande blague c'est que le dit camarade le déteste souverainement. Zach a plus ou moins été ce qu'on appelle un bouly. A force d'être rabroué et de voir son ami se faire traiter de tous les noms d'oiseaux parce qu'il a eut le malheur de naître du mauvais père, il a sorti ses muscles taillés au fond de sa cave, ses poings solides comme un roc à force de taper dans les murs, et il a frappé tous ces cons. Ca faisait du bien. Ca soulageait. Sauf qu'aujourd'hui, ça suffit plus.
Dire qu'il a voulu être comme son père. C'est con comme histoire, hein. Etre flic. Tout ce qui le répugnait quand il était môme, il est sur le point de le devenir. P'être que c'est ce scan à la noix, la peur qu'il dégotte ce qu'il y a fond de lui-même, p'être aussi un besoin de prouver qu'il est capable d'autre chose que de frapper des cons, d'aboyer des insultes à une vitesse vertigineuse et de tripoter la moindre salope de passage sur son chemin. Alors il a fait l'école de la police, il a même réussit à pousser son ami de toujours à le suivre dans sa magistrale connerie. C'était le bon temps tout ça, avant que la soeurette tombe en cloque. Là, tout est devenu assez vilain.
Fuir encore. C'est possible. Sauf qu'il peut pas. Il perd Sand sinon. Lui déconne pas, il veut que Zach' assume ses conneries, qu'il paie pour la môme, juste ce qu'il faut. Zach hésite. Il sort avec une nenette plutôt intelligente, pas trop moche, avec qui il s'entend bien. Elle a l'air de pas être trop jalouse ce qui rend le tableau parfait. S'encombrer d'un mioche n'est certainement pas son intention. C'était une erreur de jeunesse mais il a beau le répéter, Sand refuse d'en rester là. Assume bordel ou je change de coéquipier. Et ne plus jamais revoir Sand? Zach veut pas. Alors, il faut accepter la sentence, cela vaut sans doute mieux, après tout.

kill kill kill › Ses poings sont rouges. Il regarde le sang qui s'écoule à ses pieds. Une marée de sang. Il y a des bouts blancs à l'intérieur de la marée. Les dents du type à qui il vient de ravager la gueule. Ce dernier gis à terre, probablement qu'il est en train de se dire qu'y rester vaut sans doute mieux. Il n'a pas tord. Zach a furieusement envie de tuer ce type, rien que pour savoir si ce putain de Scan va biper et s'arrêter au rouge. Il hésite cependant. Sa carrière de flic, Sand et sa môme dont il est le parrain, et puis, et puis merde. L'image du cercueil descendant est en trop. Il décroche un coup de pied dans la gueule du type. Y'a un truc qui craque. Ca sonne mal. Ca coince. Il enlève sa bottine noire couverte de sang. P'pa qu'est-ce que t'as foutu? Pourquoi tu m'as appelé pile à ce moment là? L'envie de vomir le reprend. Il aurait dû renoncer à l'idée d'ingurgité cette tequila. Il esquive, il s'appuie sur le mur, et il vomis. Tripes et boyaux. Il rend tout. Ca chlingue. Il s'essuie contre sa manche. Sa tête tourne légèrement. Il a envie de pioncer maintenant. Maquiller le tout avec Sand n'a pas été évident, ça a même été la pire chose qu'il ait jamais eut à faire. Quand on se tire une balle dans la tronche c'est pas beau à voir. Il s'est pas raté le vieux. Son pas est décousu et sa cervelle a rendue l'âme. Y'a un piquet de grève quelque part niché entre ses deux hémisphères. Il enchaîne les pas, d'une manière maladroite, hachée, et la vitesse semble vertigineuse.
Une fois à l'abri, il s'appuie contre la porte. Y'a sa meuf qui dort en haut, ou du moins est supposée dormir. Il sait bien qu'elle dort que d'une oreille tel un chien de garde. Pas de doute, elle va lui tomber dessus. Il attend. Qu'elle vienne donc, qu'elle l'engueule rien que pour voir, ce soir il se sent d'humeur à lui en coller une si elle le gonfle un peu trop. Sa rage s'étrangle là, dans des pensées qui s'effilent, s'échappent, s'auto-détruisent en chemin. Rien. Pas un bruit à l'étage. Il renifle. Puis consciencieusement, il essuie ses bottines, efface le sang. Il ira voir la petite demain, il l'emmènera manger des glaces, la gamine sera contente. Cette pensée lui arrache un sourire alors qu'il grimpe les marches. Ellie. Bizarrement il est plus proche d'elle que de sa gamine, la sienne à lui. Il passe à côté de Kay dont la silhouette semble endormie. L'envie de la serrer contre lui le prend, l'envie de la baiser suit, inexorablement. La tendresse c'est pas son truc. Pour montrer qu'il aime sa femme, il la baise, pas sauvagement et rapidement comme d'habitude, non, il fait ça bien, il y met les formes. Il la fait jouir jusqu'à ce qu'elle supplie qu'il arrête. Il aime Kay. C'est bizarre parce qu'il aurait jamais cru qu'un jour une bague passerait à son doigt, mais elle l'a eu. A sa manière, elle aussi l'aime. Sauf qu'elle le dit en hurlant et en lui jetant des trucs à la gueule. Mais elle l'aime.
Il se glisse dans les draps juste à côté d'elle. Kay, elle ne dort pas non plus. Sauf qu'elle ferme fortement ses yeux, qu'elle fait le maximum pour respirer normalement, comme si elle dormait paisiblement. Excepté qu'elle est tout sauf calme. Quelques heures avant, alors que Zach commençait à insulter ce type au bar qui a tenté de lui voler son larfeuille, elle s'est réveillée avec une douleur atroce au ventre. Pleine de sueur, elle s'est levée, et c'est aux chiottes qu'elle l'a vu partir. Un machin tout petit, tout rouge, tout englué. Il était minuscule. Elle a hésité. Le rattraper et le foutre à nouveau à l'intérieur suffirait-il? Elle n'a qu'à se pencher. Ses entrailles sont en feu, mais franchement ça faudrait le coup d'essayer hein? Ses larmes baignent ses joues alors qu'elle tire la chasse laissant son espoir foutre le camp dans les canalisations. Alors pour le moment, elle fait semblant de dormir, semblant de pas l'avoir entendu rentrer, semblant d'être paisible, parce qu'il doit pas savoir, que son gosse vient de finir aux égouts.

reservoir dog › J'me sens sale, tu comprends ça? Qu'elle hurle, qu'elle beugle, ses paroles se mélangent dans sa tête. Elle le frappe pour qu'il imprime plus vite. On doit arrêter. C'est une sacré bonne idée ça qu'il répond non sans une bonne dose de sarcasme. Ca fait des mois, non des années que ça dure. Qu'ils se cherchent, s'évitent, que leurs regards se croisent pour qu'aussitôt honte, désir, gêne, excitation, culpabilité se mélange. Ils se frôlent dans un couloir, et la température monte. Ils luttent contre des hormones trompeuses. Ils ont essayé d'arrêter. Pour Ellie, pour Sand qu'ils aiment tout les deux, pour Kay, pour eux aussi. Quelque part, ils savent ce qu'ils font, le poids de leur culpabilité est immense, mais pas assez écrasante pour les empêcher de se coller l'un à l'autre, de se faire l'amour, avec passion. Il lui demande jalousement si c'est parce que Sand la baise mieux. Elle le gifle. Elle a raison. Il demande pardon. J'ai tord, dit-il. Il se sent sale à présent. Elle s'éloigne, une larme à l'oeil. Je l'aime, tu comprends, j'ai pas envie de lui faire mal. Il a envie de dire que c'est trop tard, mais il se tait, il la laisse partir. Il se videra les couilles ailleurs.
La porte claque. Kay est partie je ne sais où. Il aurait envie de la prendre, juste pour se sentir moins con, moins seul aussi, moins sale. C'est une bouteille passablement dégueulasse de bourbon qui finalement lui tient compagnie. Il l'écluse devant un match de foot en massant sa poitrine où se dessine sous le vieux t-shirt troué l'endroit où la balle a traversé sa chair. C'est comme un lien du sang qui s'est établi ce jour-là. Comment a-t-il pu oublier? C'est mieux d'y avoir mis fin. Il sourit content quelque part d'avoir au moins fait quelque chose de pas trop mal. La sonnerie résonne. Il n'a pas envie de se lever, encore moins d'y répondre, mais cette saloperie reprend. Elle sonne encore et encore, tant et si bien que dédaigneusement il finit par se lever. Il saisit le combiné. La voix à l'autre bout du fil ne lui est pas totalement inconnu. Un collègue du boulot. Il comprend pas tout de suite. La voix est si froide alors qu'elle annonce la fin du monde.
Ellie... Il tombe à genoux, tremblant. Putain de bordel de merde! Il beugle en chialant à moitié. C'est la première fois de sa vie qu'il pleure vraiment. Et c'est le jour le plus triste du monde. Sauf qu'il a pas envie de crever, il veut plutôt trouer les salopards qui lui ont fait ça. Plus tard, il ressentira la culpabilité rongeante, dévorante, il sentira ses entrailles s'ouvrirent, il sentira cette mer noire s'y déverser, il n'aura plus qu'une envie, d'oublier ou au contraire de ne jamais oublier. Se punir sera alors une obsession. Il suffira de croiser son regard. Il suffira d'apprendre qu'Ellen s'est pendue, trop mortifiée pour supporter ce qu'il s'est passé. Un poste de gardien sera sa punition. Pas la pire, mais la peine sera longue. Kay bien sûr ne comprendra pas, et le fossé entre eux s'agrandira.

become a stranger ›Son reflet le dégoûte. Il racle le fond de sa gorge, rassemble le tant de morve qu'il peut, et crache le tout sur le miroir, sur son double qui le fixe l'oeil rieur. Saloperie d'enfoiré, tu vas voir si je t'attrapes! Il a envie d'éclater ce visage. Sa main passe nerveusement sur son crane rasé de près. Le règlement n'exige pas une tel coupe, juste des cheveux courts que les prisonniers ne pourront empoigner. Les mêmes règles qu'à l'armée ou sur un ring. Mais tondu, il ressemble un peu plus à l'abominable salopard qu'il est. Et le profond dégout qu'il s'inspire remonte, reflux, embarquant tout sur sa route. Il empoigne la flasque et ingurgite l'infâme liquide ambré. Ca lui brûle les entrailles. Il étouffe un cri, s'essuie rapidement et jette la flasque vide à la poubelle.
Demain faudra bien qu'il trouve un moyen de coller un sourire sur cette face qui le débecte. Ellie mérite au moins ça. Un sourire, aussi fugace soit-il, qui lui dit, honteusement, que tout ira bien, qu'il est là pour la protéger, maintenant. Même si c'est trop tard. Il doit lui promettre qu'il retrouvera ces putains d'enfoirés. Et puis il doit aussi parvenir à prendre le mioche dans ses bras. C'est son seul et unique fils, son garçon, et même s'il ne voit qu'Ellen criant, qu'Ellen se balançant au bout d'une corde, qu'Ellen au visage bleuté sur une putain de table d'autopsie, il doit quand même assurer un minimum, au moins pour elle. Parce qu'elle peut plus le protéger, et que Sand... il est bizarre. Tout autant que l'est Kay d'ailleurs. Le fait que l'un se soit si facilement remis est tout aussi étrange que le mutisme de Kay. Elle l'a laissé prendre ce job sans même émettre le moindre hurlement. Elle est simplement restée prostrée, silencieuse comme elle l'est devenue, et il a eu le sentiment glaçant de l'avoir brisée, elle aussi. Où est passée l'irlandaise qui l'ouvrait plus fort et plus grand que lui? Qui lui collait des baffes quand il glissait un oeil sur un postérieur un peu trop rebondis? Celle qui lui faisait l'amour toute la nuit? Il a l'impression qu'elle aussi a perdu quelque chose, lui peut-être.
Mais avant, il doit retourner dans cette cage, avec cette boule au ventre, ce sentiment implacable qu'il devrait être avec ces dingues, là enfermé, et l'affreuse culpabilité qui lui laboure encore et encore les entrailles. L'insatiable vérité le saisit au corps. Il devrait se coller là, à l'intérieur de la cage, et attendre qu'ils lui fassent sa fête, après tout, n'en rêvent-ils pas tous?